« Par ici, on trouve surtout ce que l’on ne cherche pas, et parfois plus ! »
Depuis que Karim m’a généreusement confié, il y a une année et demie, la clé de la grotte livresque pour la gérer tous les mardis, je n’ai de cesse de parcourir tout au long de la journée ses différentes étagères. Comme l’écrit si bien Joël Vernet : « J’entends des murmures: des livres conversent entre eux, glissant d’un siècle à l’autre. Ils sont tous livres fraternels. Par leur présence, ils brisent la solitude » (extrait de La nuit n’éteint jamais nos songes).
Quel bonheur alors de soudain dénicher parmi tous ces livres, une nouvelle plume titillant ma curiosité. C’est ainsi que j’ai découvert les splendides territoires poétiques de Joël Vernet, de Jean-François Beauchemin, de Jean Prud’hom et tout récemment d’André Bucher. Je m’attarderai sur ce dernier, parce qu’il me semble être une des voix les plus singulières de la littérature française contemporaine, comme le relève son éditeur.
Les romans d’André Bucher ont tous pour cadre la vallée du Jabron, dans la Drôme provençale, où il a vécu durant ses trente dernières années en tant qu’agriculteur biologique et bûcheron. Son écriture est une célébration de la nature sauvage magnifiée par une prose parsemée de splendides images. Avec une très grande sensibilité, il rend aussi hommage à celles et ceux qui luttent pour leur terre.
Dans « Le pays qui vient de loin », premier roman d’André Bucher, paru en 2003, il est question des relations filiales et plus particulièrement des retrouvailles difficiles entre un père et son fils de 18 ans séparés depuis 14 ans, à l’occasion du décès du grand-père paternel. Ces deux taiseux vont finir par s’apprivoiser en évoquant la figure du grand-père et en terminant son travail, à savoir la coupe de bois. Parmi tous ces personnages, il ne faut pas oublier de nommer Paul, l’ami de toujours du grand-père et avec lequel Jérémie et son père vont faire des découvertes extraordinaires, celle de la terre, des oiseaux, de l’art de la pêche et celle de la nature en général. Ce roman gorgé de poésie et très sensible est aussi un roman sur l’envoûtement que peut créer la nature.
Extraits
« Une terre sans population est un désert et une population sans terre un attroupement. Sans déconner, dans la plaine, on jurerait les fermes jetées par-dessus bord d’un immense zinc, au petit bonheur la chance. En montagne, elles sont blotties quelque part, comme celles-ci, à s’excuser d’être toujours là ».
« – Pour sûr, il ne lisait pas, il dévorait. Jamais compris comment un type pareil, paysan, toujours dehors, et homme d’action, dès qu’il rentrait, se plongeait à corps perdu dans la lecture. Ça me dépasse.
– C’est une mauvaise question.
– Ah bon ?
– D’abord il s’agit du seul cas de figure où l’on s’enrichit sans voler son prochain. La véritable question serait plutôt : pourquoi toi, tu ne lis pas ? »
Cette première rencontre avec la prose d’André Bucher m’a beaucoup touché. Elle m’a incité à lire deux autres de ses romans, à savoir «Un court instant de grâce» et «Déneiger le ciel». Ils m’ont tout autant ému, tant l’auteur fait preuve de sensibilité et de bienveillance à l’égard de ses personnages et d’autre part, parce qu’ils s’inscrivent à une époque où la nature et l’agriculture sont en grand danger.
Si vous souhaitez en savoir plus sur cet écrivain attachant et son œuvre, je vous invite à visionner ce document : https://www.youtube.com/watch?v=70gS-vhA1L8.